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Nous étions quarante à visiter la Manufacture des Gobelins à Paris jeudi  10 mai après-midi. Le groupe a été divisé en 2 car les guides n’acceptaient pas des groupes de plus de 25 personnes. Ceci fait que si les deux groupes ont visité tous les deux l’étage des tapis, l’un a visité les tapisseries Hautes lisses c’est-à-dire fabriquées verticalement et l’autre les tapisseries Basse lisses faites à plat horizontalement.

Un petit peu d’histoire pour commencer alors que la statue de Charles Lebrun qui a été Directeur de la Manufacture nous accueille dans la première cour.

La manufacture des Gobelins est une manufacture de tapisserie et de tapis dont l'entrée est située au 42 avenue des Gobelins à Paris dans le XIIIe arrondissement, entre l'avenue des Gobelins, la rue Croulebarbe et la Bièvre, eh oui, notre Bièvre !

Les Gobelins étaient une famille champenoise qui, au XVème siècle, avait établi dans le faubourg Saint Marceau, à Paris, une entreprise de teinture; Gilles Gobelin s'enrichit dans cette industrie et acquit de grandes propriétés sur les bords de la Bièvre, qu'on appela de son nom "rivière des Gobelins". Jean Gobelin teinturier, s'installa vers 1440 dans ce vallon verdoyant où coulait la Bièvre entre la Butte-aux-Cailles et la montagne Sainte-Geneviève. Henri IV y installa deux tapissiers flamands en 1601. Mais c'est surtout Louis XIV qui donna une impulsion considérable en créant en 1667 la manufacture royale des Meubles de la Couronne. Colbert y centralisa divers ateliers de tapisserie dispersés dans Paris, ajouta des ateliers d'ébénisterie, d'orfèvrerie….

La Manufacture nationale des Gobelins dépend maintenant de l'administration générale du Mobilier national et des Manufactures nationales de tapis et tapisseries qui regroupe le Mobilier national, la Manufacture de tapisserie des Gobelins, la Manufacture de Beauvais (ateliers situés à Paris et à Beauvais), la Manufacture de la Savonnerie (ateliers situés à Paris et Lodève) ainsi que les Ateliers nationaux de dentelle du Puy et d'Alençon.

La manufacture continue aujourd'hui à produire des tapisseries pour le "Mobilier national", faisant travailler des artistes contemporains dont les œuvres sont choisies par une commission pour être le sujet d’une tapisserie ou d’un tapis.

Les tapisseries tiennent leur valeur de ce qu'elles sont très laborieuses à produire. Pour l'exécution, après le choix d’une œuvre, un peintre réalise un carton peint de la même taille que la tapisserie finale. Des maîtres lissiers tissent alors les tapisseries en utilisant la soie, la laine, et parfois des fils d'or ou d'argent. Mais par-dessus tout on a besoin de patience car il faut, à un bon lissier, un jour entier pour tisser une surface d'un sujet de la taille de la main humaine. Il va donc rester plusieurs années sur la même tapisserie…

Les ateliers sont installés  pour une partie dans le long bâtiment aux murs jaunes (atelier de haute lisse actuellement), près de la chapelle, atelier de Jean Jans de 1662 à 1668 et  dans un immeuble de 1968 de 4 étages situé rue Croulebarbe. Deux particularités méritent d’être soulignées : les salles sont ouvertes par de larges baies vitrées sur le Nord pour ne pas recevoir  directement le soleil et sont d’une très grande hauteur de plafond pour laisser entrer le maximum de lumière.


Au 4ème étage, les Gobelins pratiquent la haute lisse. Dressé verticalement, le métier est constitué de deux montants appelés jumelles ou coterets qui maintiennent deux ensouples (rouleaux), celle du bas recueillant le tissu et celle du haut accueillant la réserve de fils de chaîne. Les fils de chaîne sont séparés en deux nappes par des bâtons de croisure (appelés aussi bâtons d'entre-deux). Le lissier travaille face à la lumière sur l'envers de son ouvrage, contrôlant celui- ci sur l'endroit à l'aide d'un miroir. Il se retourne pour voir derrière lui son carton (ou modèle). Chacun des fils de chaîne de la nappe arrière (par rapport au lissier) est muni d'une lisse (cordelette de coton qui en fait le tour) et permet de ramener à l'avant cette nappe arrière ; la nappe avant reste fixe. Muni d'une broche (ou navette) le lissier introduit ses fils de trame entre les fils de chaîne puis ramène d'arrière en avant la nappe arrière avant d'effectuer le retour avec la même broche. Il va ainsi recouvrir totalement la chaîne avec la trame, particularité essentielle d'une tapisserie ou tissu à effet de trame. Loin d'être un simple exécutant, le lissier est donc bien un artiste qui interprète le carton fourni par l'artiste cartonnier.

 

Au 3ème étage, c’est la basse lisse qui est pratiquée. En tout état de cause, le résultat est techniquement identique. Le lissier dispose de marches (ou pédales), reliées par des lisses aux fils de chaîne pairs ou impairs. L'une des marches permet d'ouvrir la chaîne en deux nappes, l'autre de les croiser. Le lissier effectue ses duites (allers et retours de fils de trame) au moyen d'une flûte (ou navette) et ramène ces duites les unes contre les autres au moyen d'un grattoir (patte métallique munie de dents). Le lissier tasse ensuite les duites soigneusement à l'aide d'un peigne (comme on le fait aussi en haute lisse). Le carton sera ici directement glissé sous les fils de chaîne après avoir été reproduit à l'envers sur un papier toilé au moyen d'un calque. On travaille toujours sur l'envers de l'ouvrage et l'on contrôle l'endroit au moyen d'une glace. Le gain de temps est suffisamment important pour que la basse lisse ait progressivement supplanté la haute lisse dont les très grands métiers permettent cependant de tisser des pièces plus monumentales.

 

Au 2ème étage,c’est la suite de la Savonnerie où sont les tapis qui sont fabriqués. Ici le lissier (ou Savonnier) effectue un point noué avec sa broche, c'est à dire qu'il passe alternativement avec celle-ci derrière un fil de chaîne avant, puis derrière un fil de chaîne arrière. Il forme ainsi un nœud sur l'envers de son ouvrage, tout en gardant une boucle sur l'endroit qui sera tondue pour obtenir un velours. L'opération sera répétée sur toute la longueur de la chaîne de l'ouvrage, en progressant de gauche à droite et toujours sur un fil de chaîne avant puis arrière. Il n'est donc plus question ici de duites. Les lisses servent à ramener temporairement et un par un les fils de chaîne arrières à l'avant. Ensuite sont intercalés des fils de lin entre chacune des rangées de boucles et de nœuds ainsi réalisés. Ceci pour assurer la solidité du tapis, œuvre de sol par excellence. Le lissier tond ensuite son ouvrage au fur et à mesure des rangées de boucles réalisées, puis démêlera les poils ainsi obtenus, horizontalement. Enfin après avoir démêlé les motifs du tapis le lissier rangera son ouvrage avec la pointe de ses ciseaux (c'est à dire qu'il redressera les poils de son tapis un par un pour obtenir une perfection en accord avec celle de son carton). Les opérations de démêlage et de rangement ont été inventées par les Français et ne sont donc pas pratiquées en Orient.

 

Comment sont formés les lissiers et les restaurateurs ?


Le Mobilier National recrute des élèves du niveau du brevet des collèges en vue de les former à Paris aux métiers de liciers de Savonnerie de basse lisse et restaurateurs de tapis et tapisseries. La formation dispensée leur permettra de passer les concours de technicien d'art de la fonction publique. A l'issue des 4 années de leur scolarité qui comprend des cours de culture générale (histoire de l'art), arts graphiques et plastiques et essentiellement une formation très poussée en technique, les élèves qui auront satisfait aux épreuves du concours de techniciens d'art seront affectés en priorité à Beauvais pour les lissiers, à Aubusson pour les restaurateurs de tapisseries et à Paris pour les restaurateurs de tapis et pour les lissiers de la Manufacture de Savonnerie. 
   
C’est donc à une belle visite que nous avons été invités, bien remplie mais passionnante car la beauté des objets qui sont fabriqués ici est exceptionnelle.

Si vous avez l’occasion de faire cette visite, précipitez-vous !

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